Les cristaux

Une des joies du chimiste inorganicien c'est d'obtenir de jolis cristaux des molécules qu'il crée car cela lui permet de pouvoir utiliser une technique d'analyse puissante : la diffraction des rayons X! Au programme aujourd'hui : des cristaux incolores d'un nouveau composé mystère...

Il faut tout d'abord faire pousser les cristaux. Pour cela il n'y a pas de règle, c'est l'expérience (et l'acharnement) qui jouent. A chacun sa recette! Voici les cristaux que j'ai obtenus dans leur flacon : à première vue ils paraissent tout petits, mais ils sont en réalité bien assez (et même trop) gros pour ce que l'on veut en faire!

Les voici vu de plus près au microscope, on dirait de petits diamants ! On choisi ensuite le plus joli, celui qui a le moins d'imperfections et on le "pique" c'est à dire qu'on l'attrape avec un instrument qui fait la taille d'un cheveu. Là encore il faut le coup de main!

Ensuite on le place à l'intérieur de la machine que l'on appelle le diffractomètre. En gros c'est comme un appareil pour faire des radios panoramiques chez le dentiste. Le cristal est au centre, il est congelé à -173°C et il on en fait des clichés avec les rayons X.

Et puis c'est le suspens : on attend avec impatience les premières images. Enfin elles aparaissent sur l'écran. Surprise : ce sont tout un ensemble de tâches, comme des étoiles, qui sont agencées selon un ordre très précis. Bonne nouvelle ! On distingue sur l'image que certains points son parfaitement alignés: c'est dû au fait que les molécules sont agencées selon une symétrie très précise dans le cristal. Ce crystal là est "Orthorhombique". Cela ne vous dit peut-être pas grand chose, mais pour moi c'est une bonne nouvelle : cela veut dire que l'empilement des molécules au sein du cristal est à angles droits : cela va faciliter l'analyse... Chaque "tâche de diffraction" que l'on voit sur les images correspond à un faisceau de rayons X qui a été dévié dans une direction précise par le cristal.

Après une première analyse grossière on détermine les paramètres à utiliser pour réaliser l'étude puis on programme la machine pour qu'elle acquière des milliers d'images du cristal dans plein de positions différentes. Cela va durer toute la nuit. Au petit matin il va falloir ensuite mesurer l'intensité de chaque tâche de diffraction, soit plusieurs milliers voire millions de données. Il y a quelques années cela se faisait manuellement : le travail d'un mois! Aujourd'hui c'est l'ordinateur qui s'y colle et en moins d'un quart d'heure c'est chose faite. Mais ce n'est que la première étape. S'en suit tout un tas d'analyses qui in fine nous permettent d'obtenir la représentation en 3 dimensions de la molécule en question : la "structure". Une vraie photographie qui permet de confirmer que l'on a bien créé la molécule tant désirée.

Pour ce qui est de ce cristal, résultat demain, je croise les doigts!